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La Rus' de Kiev
Sibylle : Bonjour, bienvenue sur la webradio du lycée Pasteur, nous nous retrouvons aujourd’hui pour une chronique qui se déroulera sur plusieurs semaines et dans laquelle nous aborderons plusieurs aspects d’une question d’actualité qui nous préoccupe et nous concerne tous ces temps ci : la guerre en Ukraine. Nous aurons le plaisir, Felipe Cornet, Verena Silberger, Mariola Gamero, Aimé Teyssier d’Orfeuil et moi-même, Sibylle Gras, d’animer cette chronique.
Aujourd’hui Aimé et moi vous embarquons au cœur de l’histoire pour apporter des clefs de compréhension au conflit actuel. Aimé Bonjour.
Aimé : Bonjour !
Sibylle : Vladimir poutine déclare depuis le début de la guerre que “les russes et les ukrainiens ne font qu’une seule nation.”. Il prend d’ailleurs l’histoire comme argument pour justifier cette affirmation. Qu’en pensez vous ?
Aimé : Et bien du point de vue historique, je dis bien historique, il n’a pas tout à fait tort, les destins ukrainiens et russes furent souvent mêlés. Le premier grand nœud historique, si puis-je dire, remonte très loin, il concerne l'émergence même de l'État russe et de l'État ukrainien. Il faut savoir que vers la moitié du IXème siècle ni l'ukraine ni la russie n’existe sous cette appellation, par contre il existe en ensemble politique et culturel qui porte le nom de Rus’ de Kiev, fondé à l’origine par un peuple Viking nommé Varègue ayant migré vers le sud. La Rus’ de Kiev adopte le christianisme en 988 et s’intègre ainsi dans l’échiquier géopolitique des mariages entre dynasties européennes (Anne de Kiev 1051). Ses villes les plus importantes sont Kiev au sud et Novgorod au nord. Au XIème siècle cet État couvre le territoire d'une partie de l'Ukraine actuelle, de la Biélorussie et le nord-ouest de la Russie, on y parle vieux-russes, langue qui donnera naissance quelques siècles plus tard au Russe, à l’Ukrainien et au Biélorusse. Cette Rus’ de kiev connaît son apogée au 11e siècle, elle connaît un développement politique et culturelle considérable, ce qui en fait le plus puissant État d’Europe. Cet essor est dû aux voies commerciales existant alors entre la Scandinavie, fournisseur de bois, de peaux et surtout d'ambre, mais aussi d'esclaves, et Constantinople, source de cire d'abeille, de miel, de soieries, et d'or. La Rusʹ contrôle en effet deux routes commerciales importantes : la route commerciale de la Volga, de la mer Baltique à l'Orient, en passant par la mer Caspienne et la route commerciale du Dniepr, de la mer Baltique à l'Empire byzantin, en passant par la mer Noire. Après cette grande période d'apogée, elle va se morceler en plusieurs principautés régionales indépendantes. L’éclatement s’achève ensuite avec l'invasion mongole de 1240 qui va placer tout ce territoire sous sa domination et cela jusqu'en 1480 avec toutefois des niveaux variables selon les régions et donc c'est durant la domination mongole que moscou, la petite principauté de moscou, va s'affirmer face aux autres principauté et d'ailleurs en 1326 le métropolite de la rus donc le chef religieux de la rus s'y installe ce qui va encore grandement renforcer le prestige des princes de moscou auprès des populations slaves orientales. Néanmoins en 1349 le royaume de la galicie, à l’est de l’ukraine actuelle, est incorporé au royaume catholique de pologne, et lorsque le grand duché de lituanie qui est uni à la pologne va opter pour le catholicisme, et bien moscou va se considérer comme l'héritière légitime de la rus orthodoxes même si une grande partie des territoires de la rus dont kiev lui échappent encore largement. En 1480 moscou rejette la domination mongole, c’est désormais un puissant état othodoxe indépendant, ainsi la première question qui se pose dans l'historiographie, dans les débats historiques, c'est finalement qui est l'héritier de la rus, alors pour l'historiographie russe donc de l'époque pré-révolutionnaire, impérial, la rus est une russie ancienne dont le centre politique et les populations se serait en fait déplacer au nord-est avec l'invasion mongole d'autant plus que les futures tsars de moscou descendent des princes de kiev, les liens sont donc dynastique, religieux et culturel.
Sibylle : Merci beaucoup pour cette explication ! Si je comprends bien, Vladimir Poutine a donc raison sur le fait que les populations ukrainiennes et russes ont une histoire commune?
Aimé : Oui et non, décrété que kiev et donc l'ukraine est le berceau de la russie est un choix qui relève plus du politique que de l’historique. C'est considérer implicitement que la fondation de l'État russe est associée au premiers souverains de la Rus’ de Kiev. Mais il existe une autre alternative qui consisterait non pas à se concentrer sur la ville de Kiev mais sur la fondation de la moscovie née, comme je l’ai dit tout à l’heure, de la dynamique de conquête des mongols lors de l’invasion de la russe de Kiev. Mais c'est moins glorieux puisque la principauté est née d'un accord de vassalité qui l'a placé sous l'autorité des mongols. La Rus’ de kiev a l'avantage de fournir des arguments qui mène à une définition du peuple russe qui transcende la liberté des peuples à disposer d'eux mêmes en décrétant que la nationalité, reposerait sur l'histoire, la langue voire la foi, cela dépasse les concepts modernes de citoyenneté et et ne peut donc justifier l'invasion de l'ukraine.
Sibylle : Merci de nous avoir éclairer sur cette partie de l’histoire Aimé, nous espérons que ce premier épisode de notre chronique sur l’ukraine vous a plu et l’on se retrouve pour la prochaine émission qui portera sur l’époque de la Renaissance lorsque la Moscovie prend le nom d’Empire …